History of the Peloponnesian War
Thucydides
Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése. Bétant, Élie-Ami, translator. Paris: Librairie de L. Hachette, 1863.
Calligitos et Timagoras, agents de Pharnabaze, ne prirent aucune part à l’expédition de Chios. Ils ne donnèrent point l’argent qu’ils avaient apporté pour l’équipement d’une flotte, et qui montait à vingt-cinq talents,; mais ils songeaient à faire plus tard une expédition pour leur propre compte. Agis, voyant les-Lacédémoniens décidés à se rendre d’abord à Chios, se rangea lui-même à cet avis. Les alliés réunis à Corinthe tinrent conseil et résolurent qu’on irait premièrement à Chios, sous les ordres de Chalcidéus qui équipait les cinq vaisseaux en Laconie, que de là on passerait à Lesbos sous la conduite d’Alcaménès, déjà désigné par Agis, et finalement dans THellesppnt, où Cléarque fils de Ramphias[*](Le même qui, plus tard, commanda les dix mille Grecs de l’expédition de Cyrus le Jeune. ) aurait le commandement. Il fut convenu qu’on transporterait d’abord par-dessus l’Isthme la moitié de la flotte et qu’on l’expédierait sans délai, afin que l’attention des Athéniens fût partagée entre ce premier convoi et celui qui devait suivre. Au surplus, si l’on prenait cette voie sans mystère, c’est qu’on méprisait la faiblesse des Athéniens, dont la marine ne se montrait nulle part en force. Cette résolution arrêtée, on fit traverser immédiatement vingt-un vaisseaux.
Les Corinthiens, malgré les instances de leurs alliés, ne
Sur ces entrefaites, eurent lieu les jeux Isthmiques. Les Athéniens y assistèrent, car ils y avaient été invites. Us eurent donc toute facilité pour éclaircir leurs doutes relativement à Chios ; aussi, dès leur retour, s’empressèrent-ils de prendre leurs mesures pour que la flotte ne pût leur cacher son départ de Cenchrées.
Les Péloponésiens, après la fête, mirent en mer pour Chios avec vingt-un vaisseaux commandés par Alcaménès. Les Athéniens marchèrent à eux avec un pareil nombre de bâtiments et cherchèrent d’abord à les attirer en pleine mer; mais, comme les Péloponésiens, loin de les suivre, rebroussèrent chemin, les Athéniens se retirèrent également. Ils n’étaient pas sans défiance à l’égard des sept vaisseaux de Chios qu'ils avaient avec eux. Plus tard, ils équipèrent une nouvelle escadre de trente-sept voiles, atteignirent la flotte ennemie qui longeait la côte,et lui donnèrent la chasse jusqu’à Piréos, port désert, appartenant aux Corinthiens et situé sur la lisière de l'Ëpidaurie [*](Piréos ou Piréon (Steph. Byz., Πειραιάς. Xénoph., Hell., IV, ch. v; Agés., II, xvm, το Πείραιον), aujourd’hui baie de Sophico, à moitié chemin entre Epidaure et l’isthme de Corinthe. En avant de cette baie sont quelques îlots, dont le plus grand s’appelle Hévréonisi. )· Les Péloponésiens perdirent un vaisseau surpris au large ; mais ils rallièrent les autres et jetèrent l’ancre. Les Athéniens les attaquèrent par mer avec leurs vaisseaux et par terre avec des troupes de débarquement, les mirent dans le plus grand désordre, endommagèrent la plupart des bâtiments sur le rivage et tuèrent le commandant Alcaménès ; eux-mêmes perdirent quelques hommes.
Lorsqu’on se fut séparé, les Athéniens laissèrent un nombre suffisant de vaisseaux pour tenir les ennemis bloqués; avec le reste, ils allèrent mouiller à la petite île qui est située
A Lacédémone on apprit d’abord que les vaisseaux avaient quitté l’Isthme ; en effet les éphores avaient enjoint à Alcaménès de leur expédier un cavalier à l’instant du départ. Aussitôt on décida d’envoyer, sous la conduite de Chalcidéus accompagné d’Alcibiade , les cinq vaisseaux armés en Laconie ; mais, au moment où ils appareillaient, on apprit la retraite de la flotte à Piréos. Découragés par ce fâcheux début de la guerre d’Ionie, les Lacédémoniens renoncèrent à faire partir leurs vaisseaux, et songèrent même à rappeler les quelques bâtiments qui étaient déjà en mer.
Témoin de ces fluctuations, Alcibiade persuada de nouveau à Endios et aux autres éphores de ne pas renoncer à l’expédition. Il leur dit qu’on avait le temps d’arriver avant que la mésaventure de la flotte fût connue à Chios ; qu’une fois en Ionie, il n’aurait pas de peine à déterminer les villes à la révolte par le tableau qu’il leur ferait de la faiblesse d’Athènes et de l’ardeur des Lacédémoniens ; que sur ce point on le croirait mieux que personne. A Endios en particulier il représentait qu'il serait glorieux pour lui d’attacher son nom au soulèvement de l’Ionie et à l’alliance du roi avec les Lacédémoniens ; qu’il ne devait pas laisser cueillir cette palme à Agis, avec lequel il était brouillé. Alcibiade, ayant réussi à le convaincre lui et les autres éphores, partit avec les cinq vaisseaux et le Lacédémonien Chalcidéus. Ils firent promptement la traversée.
Vers la même époque, revinrent de Sicile les seize vaisseaux péloponésiens qui avaient fait la campagne avec Gylippe. Arrivés dans les eaux de Leucade, ils furent joints et maltraités par les vingt-sept vaisseaux athéniens qui, sous les ordres d’Hippoclès fils de Ménippos, épiaient leur retour. Cependant tous , à l’exception d’un seul, échappèrent aux Athéniens et abordèrent à Corinthe.
Chalcidéus et Alcibiade, après avoir intercepté sur leur route, de peur d’être signalés, tous les bâtiments qu’ils rencontraient , touchèrent d’abord à Corycos sur le continent. Ils y relâchèrent les bâtiments arrêtés et se mirent en rapport avec quelques Chiotes qui trempaient dans le complot. Ceux-ci leur ayant conseillé d’aborder dans leur ville sans avis préalable, ils se présentèrent inopinément devant Chios, et remplirent le peuple de surprise et d’effroi ; mais les oligarques avaient pris leurs mesures pour que le conseil se trouvât rassemblé. Chalcidéus et Alcibiade annoncèrent l’arrivée d’une flotte nombreuse et se gardèrent bien de parler des vaisseaux bloqués à Piréos. En conséquence, les Chiotes d’abord et les Érythréens ensuite s’insurgèrent contre les Athéniens ; après quoi ils allèrent avec trois vaisseaux à Clazomènes, qu’ils entraînèrent dans leur défection. Les Clazoméniens passèrent aussitôt sur le continent et se mirent à fortifier Polichna[*](Bourg situé sur le continent asiatique, vis-à-vis de Clazomènes. Le nom de Polichna était commun à plusieurs bourgades. ), afin de pouvoir s’j retirer au besoin, en abandonnant Γîlot qu’ils habitent. Tous les insurgés travaillaient à se fortifier et se préparaient a la guerre.