History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése. Bétant, Élie-Ami, translator. Paris: Librairie de L. Hachette, 1863.

Au commencement de ce même hiver, Sitalcès, fils de

129
Térès et roi des Thraces Odryses, fît une expédition contre Perdiccas fils d’Alexandre, roi de Macédoine, et contre les Chalcidéens du littoral de la Thrace. Il avait pour motif deux promesses, dont il voulait acquitter l’une et faire tenir l’autre. Perdiccas, désirant que ce prince le réconciliât avec les Athéniens, qui dans l’origine lui faisaient une guerre désastreuse, et qu’il n’appuyât pas les prétentions de Philippe, son frère et son compétiteur au trône de Macédoine, avait pris envers Sitalcès des engagements qu’il n’exécutait pas. D'autre part, Sitalcès, en contractant alliance avec les Athéniens, leur avait promis de pacifier la Chalcidiqne. Sitalcès menait avec lui le fils de Philippe, Amyntas, qu’il voulait faire roi de Macédoine. Il était accompagné d'une députation athénienne, conduite par Hagnon, et venue auprès de lui avec cette mission spéciale. Les Athéniens devaient coopérer à cette expédition avec une flotte et autant de troupes que possible.

Parti de chez les Odryses, Sitalcès appela d’abord aux armes ses sujets de Thrace, qui habitent en deçà des monts Hémus et Rhodope[*](Le mont Hémus des Grecs et des Romains est le Balkan moderne, qui sépare la Roumélie de la Bulgarie et qui s’étend jusqu’à l’Euxin. Les Gètes habitaient la Bulgarie moderne, ou le pays situé entre le Balkan et le Danube. Le Rhodope est la chaîne qui séparait la Thrace et la Macédoine en allant du N. au S. ), jusqu’au Pont-Euxin et à l’Hellespont ; ensuite les Gètes d’au delà de l’Hémus, ainsique toutes les nations fixées en deçà du fleuve Ister, dans le voisinage du Pont-Euxin. Les Gètes et autres peuples de ces contrées confinent aux Scythes et font usage des mêmes armes que cette nation ; ils sont tous archers à cheval. Sitalcès appela aussi de leurs montagnes un grand nombre de Thraces indépendants et armés d’épées, connus sous le nom de Diens, la plupart habitant le Rhodope; les uns étaient stipendiés, les autres marchaient comme volontaires. Il se recruta pareillement chez les Agriens, les Lééens et les autres peuplades péoniennes qui lui étaient soumises. C’étaient les derniers peuples de son empire, lequel s’étendait jusqu’aux Grééens de Péonie et au Strymon. Ce fleuve prend sa source dans le mont Scombros, traverse le pays des Grééens, celui des Lééens, et forme la limite de l’empire de Odryses ; au delà sont les Péoniens indépendants. Du côté des Triballiens, également indépendants, les derniers peuples sujets des Odryses étaient les Trères et les Tilatéens. Ceux-ci habitent au nord du mont Scombros et s'étendent à l’occident jusqu’au fleuve Oskios, lequel sort de la même montagne que le Nestos et l’Hèbre. Cette montagne, grande et déserte, est un anneau de la chaîne du Rhodope.

Du côté de la mer, l’empire des Odryses s’étend d’Abdère à Pembouchure de lister dans le Pont-Euxin. C’est,

130
pour un vaisseau rond[*](Vaisseau marchand, par opposition aux vaisseaux longs ou de guerre. La forme arrondie donnait aux bâtiments de charge plus de capacité. Hérodote (IV, lxxxvi) évalue le trajet de jour à sept cents stades et celui de nuit à six cents. Le même auteur compte la journée d’un piéton à deux cents stades. On sait que le stade, mesure de distance, équivaut à cent quatre-vingt-cinq mètres. ), un trajet de quatre jours et de quatre nuits, en ligne directe et vent debout. Par terre, eu suivant le chemin le plus court, d’Abdère à l’ister, il y a onze journées de route pour un bon marcheur. Telle est l’étendue du littoral. En allant de la côte vers l’intérieur des terres, dans la plus grande largeur,· e’est-à-dire de Byzance jusqu’aux Lééens et au Strymon, il y a treize journées de route pour un bon marcheur.

Le tribut levé annuellement sur les peuples barbares et sur les villes grecques [*](Les nombreuses villes grecques situées sur le littoral de la Thrace, depuis l’embouchure du Nestos jusqu’à celle de l’Ister, c’est-à-dire sur la mer Egée, la Propontide et le Pont-Euxin. ), au taux où il fut porté par Seuthès, successeur de Sitalcès, se montait à quatre cents talents d’argent (a), payables en numéraire. A quoi il faut ajouter les présents, en or et en argent, qu’on était obligé d’offrir et qui formaient une somme équivalente ; sans compter les étoffes brodées ou lisses et'autres cadeaux qu’il fallait faire,.non-seulement au roi, mais encore aux grands et aux nobles du pays. Chez les Odryses, comme chez le reste des Thraces, il règne une coutume opposée à celle des rois de Perse : c’est de recevoir plutôt que de donner. Il est plus honteux de refuser une demande que d’es-suyet un refus. Les Odryses ont encore exagéré oet usage, à raison de leur puissance ; chez eux on ne vient à bout de rien sans présents ; aussi leurs rois ont-ils acquis des richesses immenses. De toutes les nations européennes comprises entre le golfe Ionien et le Pont-Euxin, il n’y en a point dont les revenus et l’opulence soient plus considérables. Pour la force militaire et le nombre des combattants, les Odryses le cèdent beaucoup aux Scythes. Il n'est aucun peuple, je ne dis pas en Europe, mais en Asie, qui soit capable de se mesurer, à lui seul, contre les Scythes réunis. Mais pour l’intelligence des affaires, les Scythes sont loin d’avoir la même supériorité.