History of the Peloponnesian War
Thucydides
Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.
XXVI. A Pylos, les Athéniens continuaient à assiéger les Lacédémoniens dans l’île, tandis que l’armée péloponnésienne conservait ses campements sur le continent. Le manque de vivres et d’eau rendait le blocus extrêmement pénible pour les Athéniens. Il n’y avait qu’une seule source, et encore peu abondante, dans la citadelle même de Pylos[*](Abel Blouët (Expéd. Scientif.) signale l’existence d’un puits d’eau douce à Vieux-Navarin.). La plupart creusaient le sable sur le bord de la mer, et on peut imaginer quelle eau ils buvaient. Resserrés dans un camp de peu d’étendue, ils se trouvaient fort à l’étroit : faute de mouillage pour les vaisseaux[*](Autour de Sphactérie.), une partie des équipages venait à terre prendre ses repas, pendant que les autres se tenaient à l’ancre, loin du rivage. Ils étaient surtout découragés par la longueur du siège ; car ils n’y avaient pas compté ; ils pensaient d’abord forcer en très peu de jours des hommes assiégés dans une île déserte, avec de l’eau saumâtre pour toute boisson. Ce retard tenait aux mesures prises par les Lacédémoniens : ils avaient fait appel à tous les hommes de
XXVII. Quand on apprit à Athènes que l’armêe souffrait et qu’il passait dans l’île des subsistance, on fut dans un grand embarras. On craignait que l’hiver ne
Cléon, sachant que des défiances s’élevaient contre lui pour s’être opposé à l’accommodement, prétendit que les nouvelles apportées étaient mensongères ; et comme ceux qui arrivaient de Pylos demandaient, si on ne les croyait pas, qu’on envoyât sur les lieux quelques commissaires, les Athéniens choisirent pour cette mission Cléon lui-même et Théagène. Cléon sentit qu’il serait obligé de faire les mêmes rapports que ceux qu’il calomniait, ou que, s’il disait le contraire, il serait convaincu d’imposture : aussi conseilla-t-il aux Athéniens, qu’il voyait incliner vers la guerre, de ne pas envoyer aux informations et de ne pas perdre, en différant, l’occasion favorable ; mais d’aller attaquer les assiégés dans l’île même, si ces nouvelles leur paraissaient exactes. En même temps, faisant allusion à Nicias, fils de Nicératus, alors général, qu’il détestait, il l’accusait indirectement en disant qu’avec les préparatifs dont on disposait il serait facile, si les généraux étaient hommes de coeur, d’attaquer l’île et de
XXVIII. Les Athéniens commençaient à murmurer contre Cléon et demandaient pourquoi il ne partait pas à l’instant, si la chose lui paraissait si facile. Alors Nicias, qui se voyait personnellement attaqué, lui dit que les généraux l’autorisaient, pour leur part, à prendre toutes les troupes qu’il voudrait, et à tenter l’entreprise. Cléon, croyant d’abord que c’était une feinte, était prêt à accepter ; mais lorsqu’il s’aperçut que cette offre était sérieuse, il recula et dit que ce n’était pas lui, mais Nicias, qui était général ; il commençait à craindre, sans croire encore cependant que Nicias osât se démettre en sa faveur. Mais Nicias insista de rechef, se démit du commandement de l’armée de Pylos, et prit les Athéniens à témoin. Plus Cléon faisait d’efforts pour échapper à cette expédition et pour revenir sur sa déclaration, plus la multitude (car tel est son caractère) pressait Nicias de lui abandonner le commandement, et criait à Cléon de s’embarquer. Enfin, n’ayant plus aucun moyen de revenir sur sa parole, il accepte le commandement de l’expédition, et, s’avançant au milieu de l’assemblée, il déclare qu’il n’a pas peur des Lacédémoniens, qu’il n’embarquera avec lui personne de la ville, et ne prendra que les troupes de Lemnos et d’Imbros, présentes à Athènes, des peltastes auxiliaires d’Énos[*](Ville de Thrace, à l’embouchure de l’Hèbre.), et quatre cents archers également étrangers. Avec ces forces, réunies aux soldats de Pylos, il s’engage à amener, dans les vingt jours, les Lacédémoniens
XXIX. Cléon prit, dans l’assemblée, toutes ses mesures ; il reçut les suffrages des Athéniens pour cette expédition, se choisit pour collègue Démosthènes, un des généraux qui étaient à Pylos, et pressa son départ. Ce qui l’avait déterminé à s’adjoindre Démosthènes, c’est qu’il avait appris que ce général songeait, de son côté, à faire une descente dans l’île. Car les soldats, fatigués de leur séjour dans un lieu où tout manquait, et plutôt assiégés qu’assiégeants, brûlaient de courir au danger. Un incendie survenu dans l’île avait aussi augmenté la confiance de Démosthènes. Jusque-là il avait hésité parce que l’île, de tout temps inhabitée, était en grande partie boisée et sans chemins frayés ; il croyait cette circonstance favorable aux ennemis. Si une armée nombreuse y descendait, ils pourraient l’attaquer en dérobant leurs mouvements et lui faire beaucoup de mal ; leurs fautes et leurs dispositions seraient bien mieux cachées dans l’épaisseur de la forêt, tandis que, toutes les fautes de l’armée athénienne étant à découvert, l’ennemi, maître de choisir son terrain, pourrait tomber sur elle à l’improviste du côté qu’il voudrait. Il pensait d’ailleurs que, s’il était forcé d’en venir aux mains dans le fourré, des troupes moins nombreuses, mais ayant l’expérience des lieux, auraient l’avantage
XXX. Ces réflexions lui étaient surtout suggérées par son désastre d’Étolie, qui avait tenu en partie à une forêt.
Comme on était fort à l’étroit, les soldats athéniens étaient obligés d’aborder aux extrémités de l’île, et de placer des sentinelles pour prendre leurs repas. L’un d’eux mit le feu, par mégarde, à une petite portion de bois ; le vent s’éleva, et l’incendie gagna, avant qu’on s’en fût aperçu, la plus grande partie de la forêt. Démosthènes put mieux distinguer alors les Lacédémoniens, et reconnut qu’ils étaient plus nombreux qu’on ne le supposait ; car, jusque-là, il avait pensé qu’on introduisait des vivres pour moins de monde. Il jugea donc que les Αthéniens devaient s’occuper plus sérieusement d’une affaire de cette importance et, du moment où il vit que l’attaque de l’ile présentait moins de difficultés, il se prépara à y descendre. Il demanda des troupes aux alliés du voisinage, et fit toutes ses dispositions. Cependant Cléon lui avait mandé, par un courrier, qu’il allait venir et lui amener les troupes qu’il avait demandées ; lui-même arriva à Pylos. Une fois réunis, ils envoyèrent d’abord un héraut au camp sur le continent, pour inviter les Péloponnésiens à donner aux guerriers de l’ile le conseil de livrer, sans combat, leurs personnes et leurs armes ; ils promettaient d’ailleurs de traiter les prisonniers avec égards, jusqu’à conclusion d’un arrangement définitif.
XXXÎ. Cette proposition n’ayant pas été acceptée, les Athéniens attendirent encore un jour sans agir. Le lendemain, ils embarquèrent tous les hoplites sur un petit nombre de vaisseaux, et mirent à la voile pendant la nuit. Un peu avant l’aurore, ils descendirent dans l’île de deux côtés, par la haute mer et par le port, au nombre de huit cents hoplites, et coururent attaquer le premier poste de garde. Voici quelles étaient les dispositions de l’ennemi[*](L’aspect actuel de Sphactérie confirme pleinement les détails suivants ; on peut encore reconnaître, au nord, les rochers escarpés et inabordables sur lesquels les Lacedémoniens se retranchèrent.) :Ce poste avancé se composait d’environ trente hoplites ; au milieu de l’île, sur un terrain très urii, autour d’une source, campait le gros de l’armée avec Épitadas qui la commandait. Un autre corps peu nombreux gardait l’extrémité de l’île, du côté de Pylos ; c’était tin point escarpé du côté de la mer, et imprenable par terre. Il s’y trouvait une sorte de vieux retranchement élevé en pierres brutes ; les Lacédémonieris croyaient qu’il pourrait leur être utile pour le cas où ils seraient forcés à reculer précitamment devant des forces trop supérieures. Telles étaient leurs dispositions.
XXXII. Les Athéniens, se précipitant au pas de course sur le premier posté, massacrent aussitôt les gardes dans leur lit même, pendant qu’ils saisissent leurs armes. Ils né s’étaient pas aperçus de la descente ; car ils avaient cru que les vaisseaux venaient, comme de coutume, occuper leur station de nuit. Au point du jour, tout le reste des troupes, excepté le dernier rang
XXXIII. Les soldats d’Épitadas, qui formaient le corps le plus nombreux, voyant le premier poste égorgé, se mirent en ordre de bataille et marchèrent contre les hoplites athéniens, dans le dessein d’en venir aux mains ; car ils les avaient en face. Mais les troupes légères, qui voltigeaient sur leurs flancs et par derrière, ne leur permirent pas d’engager l’action avec les
XXXIV. Pendant quelque temps, on escarmoucha ainsi de part et d’autre. Mais bientôt les Lacédémoniens furent hors d’état de se porter rapidement dans tous les sens pour faire face aux attaques ; les troupes légères reconnurent qu’appesantis par la lutte, ils se défendaient plus mollement ; elles-mêmes avaient pris confiance en se voyant si nombreuses ; déjà elles s’habituaient à ne plus croire les Lacédémoniens aussi redoutables, parce qu’ils ne leur avaient pas fait tout d’abord le mal auquel elles s’attendaient en commençant l’at- taque ; car elles étaient alors subjuguées par la pensée qu’elles allaient avoir affaire à des Lacédémoniens. Elles se prirent donc à les mépriser, fondirent sur eux de toutes parts en poussant de grands cris et les accablèrent de pierres, de traits, de javelots, de tout ce qui leur tombait sous la main. Leurs clameurs, jointes à cette irruption soudaine, frappaient d’épouvante des hommes peu faits à ce genre de combat ; la cendre de la forêt nouvellement consumée s’élevait en épais nuages ; il était impossible de voir
XXXV. Déjà un grand nombre d’entre eux étaient blessés, car ils n’avaient fait que pivoter à la même place[*](En effet, resserrés sur un espace étroit, il leur était difficite d’éviter les traits.) ; enfin, serrant leurs rangs, ils battirent en retraite vers l’extrémité de l’île et le retranchement occupé par leurs gardes, dont ils étaient peu éloi- gnés. Quand les troupes légères les virent céder, leurs cris redoublèrent avec leur audace ; elles chargèrent vivement, et tuèrent tous ceux des Lacédémoniens qu’elles enveloppèrent dans leur retraite. La plupart, cependant, échappèrent et gagnèrent le retranchement. Ils s’y établirent avec ceux qui le gardaient, de manière à défendre tous les points attaquables. Les Athéniens arrivèrent à leur suite ; mais, ne pouvant tourner la position et l’investir, à cause de la difficulté des lieux, ils l’attaquèrent de front et tentèrent de l’enlever. La lutte fut longue : pendant la plus grande partie du jour on resta en présence, supportant de part et d’autre la fatigue du combat, la soif et le
XXXVI. Cependant rien ne se décidait encore, lorsque le commandant(??) des Messéniens, s’approchant de Cléon et de Démosthènes, leur dit qu’ils s’épuisaient en vains efforts ; que s’ils voulaient lui donner un certain nombre d’archers et de soldats légers, il prendrait l’ennemi à dos, en le tournant par un chemin qu’il saurait trouver, et qu’il espérait forcer le passage. Ayant obtenu ce qu’il demandait, il partit à la dérobée, de manière à n’être pas vu des ennemis, et s’avança en suivant toujours les escarpements, là où le passage était praticable. Comme les Lacédémoniens, comptant sur la force de la position, avaient négligé d’y placer des gardes, il parvint, grâce à de longs et pénibles circuits, à leur dérober sa marche, et se montra tout à coup sur leurs derrières, couronnant les hauteurs. Cette apparition inattendue frappa de stupeur les ennemis ; elle redoubla l’ardeur des Athéniens, qui voyaient leur attente réalisée. De ce moment, les Lacédémoniens, attaqués de deux côtés, se trouvèrent, pour comparer les petites choses aux grandes, dans la même situation que les défenseurs des Thermopyles, lorsque les Perses les tournèrent par un sentier et les massacrèrent. Déjà ils ne tenaient plus : accablés de toutes parts, luttant en petit nombre contre un ennemi supérieur, exténués pat, la faim, ils cédaient le terrain : les Athéniens étaient maîtres du passage.
XXXVII. Cléon et Démosthènes virent que, pour
XXXVIII. A cet appel, la plupart déposèrent leurs boucliers et agitèrent les mains en l’air, pour montrer qu’ils accédaient à la proposition. On fit une suspension d’armes ; des conférences s’ouvrirent entre Cléon et Démosthènes, d’une part, et de l’autre, Styphon, fils de Pharax, pour les Lacédémoniens. De ceux qui avaient commandé avant lui, le premier, Épitadas, avait été tué ; celui qui avait été désigné pour lui succéder, Hippagrétas, vivait encore ; mais il était étendu au milieu des morts, privé de sentiment. Styphon avait été choisi en troisième, suivant la loi, pour commander en cas d’événement. Il déclara, d’accord avec ceux qui l’accompagnaient, qu’il désirait envoyer sur le continent consulter les Lacédémoniens sur ce qu’il devait faire. Les Athéniens ne voulurent laisser aller aucun d’entre eux ; ils mandèrent eux-mêmes des hérauts du continent ; après deux ou trois messages, le dernier envoyé que les Lacédémoniens firent passer dans l’île apporta cette réponse : « Les Lacédémoniens vous engagent à délibérer vous-mêmes sur ce qui vous con cerne, et à ne rien faire de honteux. » Après s’être consultés, ils livrèrent leurs armes et se rendirent. On
Voici le nombre des morts et des prisonniers faits dans l’ile : il y était passé en tout quatre cent vingt hoplites ; sur ce nombre, deux cent quatre-vingtdouze furent emmenés prisonniers à Athènes ; le reste avait été tué. Parmi ceux qui avaient survécu, on comptait environ cent vingt Spartiates. Les Athéniens perdirent peu de monde, parce qu’il n’y eut point d’engagement corps à corps.
XXXIX. La durée du blocus, à partir de l’engagement naval jusqu’au combat dans l’île, fut, en tout, de cinquante-deux jours. Sur ce temps, les Lacédémoniens reçurent des vivres durant environ vingt jours, pendant l’absence des députés chargés de négocier. Ils avaient vécu le reste du temps de ce qu’on importait furtivement ; on trouva même dans l’île du blé et des provisions de bouche laissés en réserve ; car Épitadas, qui commandait, ne faisait pas des distributions aussi larges qu’il l’aurait pu. Les armées d’Athènes et du Péloponnèse quittèrent Pylos, et chacun rentra dans son pays. Ainsi se trouva réalisée la promesse de Cléon, tout insensée qu’elle était ; en vingt jours il amena les Lacédémoniens, comme il s’y était engagé.
XL. De tous les événements de celle guerre, ce fut celui qui trompa le plus les prévisions des Grecs. On pensait que ni la faim ni aucune extrémité ne pourraient
XLI. A l’arrivée des prisonniers à Athènes, il fut décidé qu’on les garderait dans les fers jusqu’à conclusion d’un accord ; et que, dans le cas où les Péloponnésiens feraient auparavant une invasion dans le pays, on les tirerait de prison pour lés égorger. Les Athéniens mirent garnison à Pylos. Les Messéniens de Naupacte y envoyèrent ceux des leurs sur lesquels ils pouvaient le mieux compter ; car c’était à leurs yeux la patrie, Pylos étant sur le territoire de l’ancienne Messénie. Ils ravagèrent la Laconie, et y firent d’autant plus de mal qu’ils parlaient la même langue. Les Lacédémoniens, jusque-là, n’avaient pas connu le pillage et ce genre de guerre. Les Hilotes désertaient ; ils craignaient que quelque nouvelle entreprise ne portât encore plus loin le trouble dans leur pays, et supportaient impatiemment cet état de choses. Aussi, tout en désirant cacher leurs inquiétudes aux Athéniens, leur envoyèrent-ils des députés pour tâcher d’obtenir la remise de Pylos et des guerriers. Mais les Athéniens portaient plus haut
XLII. Le même été, aussitôt après cette affaire, les Athéniens firent une expédition contre la Corinthie ; ils avaient quatre-vingts vaisseaux, deux mille hoplites athéniens, et deux cents cavaliers sur des transports appropriés à cet usage. Avec eux marchaient leurs alliés de Milet, d’Andros et de Caryste. Nicias, fils de Nicératus, commandait avec deux collègues. Ils appareillèrent et abordèrent à l’aurore entre la Chersonnèse et Rhitum, sur la plage que domine la colline Solygie. C’est sur cette colline que s’étaient autrefois établis les Doriens, quand ils firent la guerre aux Corinthiens de la ville qui étaient Éoliens. On y voit aujourd’hui un bourg du nom de Solygie. Cette plage, où abordèrent les vaisseaux, est à douze stades du bourg, à soixante de Corinthe, et à vingt de l’isthme. Tous les Corinthiens, à l’exception de ceux en dehors de l’isthme, instruits d’avance par la voie d’Argos que l’armée athénienne allait arriver, s’étaient depuis longtemps rendus sur l’isthme. A part cinq cents d’entre eux envoyés en garnison à Ambracie et en Leucadie, toute la population en masse était debout, guettant où aborderaient les Athéniens. Cependant ceux-ci trompèrent leur surveillance en débarquant de nuit. Les signaux d’alarme ayant été levés, les Corinthiens laissèrent la moitié de leurs forces à Cenchrée, dans la crainte que l’ennemi ne se portât sur Crommyon, et marchèrent à sa rencontre.
XLIII. Battus, un de leurs généraux (car il yen avait deux à cette bataille), prit avec lui une division et se
XLIV. Longtemps on résista des deux côtés sans plier ; mais, enfin, les Athéniens, grâce à l’avantage que leur donnait leur cavalerie sur un ennemi qui n’en avait pas, mirent les Corinthiens en fuite. Ils se retirèrent sur la colline, s’y établirent et s’y tinrent en repos, sans oser en descendre. Cette déroute leur coûta une grande partie de leur aile droite et Lycophron qui les commandait. Le reste de l’armée fut moins maltraité ; elle ne fut que faiblement poursuivie, put
Cependant la moitié de l’armée corinthienne, qui était restée en observation à Cenchrée, dans la crainte que la flotte ne fit une tentative sur Crommyon, n’avait pu, derrière le mont Onion, voir le combat. Mais, avertis par la vue de la poussière, ils se hâtèrent d’accourir. En même temps, ceux des Corinthiens que leur âge avait retenus dans la ville, informés de l’événement, arrivaient au secours, de leur côté. Les Athéniens, à la vue de toutes ces troupes en marche, crurent que c’étaient les Péloponnésiens du voisinage qui venaient à leur rencontre ; ils s’empressèrent de remonter sur leurs vaisseaux, emportant avec eux les dépouilles et leurs morts, à l’exception de deux qu’ils n’avaient pu retrouver. Une fois embarqués, ils gagnèrent les îles voisines ; de là ils envoyèrent un héraut et se firent rendre, par convention, les morts qu’ils avaient laissés[*](Faire réclamer les morts par un héraut c’était s’avouer vaincu ; cependant Nicias aima mieux abandonner l’honneur de la victoire que de laisser deux des siens sans sépulture, ce qui était considéré comme un sacrilège.). La perte, du côté des Corinthiens, dans ce combat, fut de deux cent douze hommes et, pour les Athéniens, d’un peu moins de cinquante.
XLV. Le même jour, les Athéniens quittèrent les îles et firent voile pour Crommyon, sur le territoire de Corinthe, à cent vingt stades de cette ville. Ils y abordèrent, ravagèrent le pays et y bivaquèrent la nuit.