History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése. Bétant, Élie-Ami, translator. Paris: Librairie de L. Hachette, 1863.

. Les Athéniens. Non, si vous délibérez sagement. Π ne s’agit pas ici de courage ni d’une lutte d’égal à égal, où vous ne pourriez succomber sans ignominie ; il s'agit d’aviser à votre conservation, sans vous hasarder contre des forces infiniment supérieures.

Les Méliens. Nous savons que le sort des armes est sujet à bien des -retours, qui ne se règlent pas sur les forcer relatives; céder sur-le-champ, c’est nous fermer toute espérance, tandis qu’avec de l’énergie, il y a encore chance de nous sauver.

Les Athéniens. L’espérance soutient les hommes dans le péril. Unie à la force, elle peut nuire sans ruiner ; mais quand

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elle porte à risquer le tout pour le tout, — car elle est de sa I nature mauvaise ménagère, — les revers n’ont pas plus tôt fait connaître les pièges où elle entraîne, qu’il ne reste plus aucnn moyen de s’en garantir. Faibles comme vous Fêtes et placés dans la position la plus critique, ne vous laissez pas séduire par cette dangereuse illusion. N’imitez pas le commun des hommes, qui, pouvant encore se sauver par les voies humaines lorsque, dans leur détresse, les appuis visibles leur échappent, ont recours aux invisibles, à la divination, aux oracles et à d’autres pratiques analogues, qui, jointes à l’espérance, les perdent sans retour.

Les Méliens. Nous aussi, n’en doutez pas, nous croyons difficile d’entrer en lutte avec votre puissance et votre fortune; il faudrait pour cela des armes moins inégales. Toutefois, pour ce qui est de la fortune, nous plaçons notre confiance dans la faveur divine, car notre cause est juste et la vôtre ne l’est pas; et pour ce qui est de nos forces, l’infériorité en sera compensée par l’alliance des Lacédémoniens, alliance dictée par la communauté d’origine et par un sentiment d’honneur. Notre assurance n’est donc pas si mal fondée.

Les Athéniens. Nous ne craignons pas non plus que la protection divine nous manque; car nous ne recherchons ni ne faisons rien de contraire aux sentiments religieux ou aux prétentions humaines. Nous estimons que, par une nécessité de leur nature, les dieux et les hommes ont une égale tendance à dominer, ceux-là dans l’ordre des idées, ceux-ci dans le cercle des réalités. Cette loi, ce n’est pas nous qui l’avons faite ni appliquée les premiers ; nous l’avons trouvée établie, et après nous elle subsistera à tout jamais. Nous ne faisons qu’en user, bien convaincus qu’à notre place ni vous ni personne n’agirait autrement. Ainsi, pour la faveur divine, nous n’avons aucun motif de nous en croire déshérités. Quant à votre confiance dans les Lacédémoniens, que vous vous figurez prêts à vous secourir par un sentiment d’honneur, nous admirons votre innocence, tout en plaignant votre crédulité. Les Lacédémoniens, entre eux et pour ce qui touche aux mœurs . nationales, se guident en général d’après la droiture; mais leur politique extérieure peut se résumer en ceci : savoir qu’à notre connaissance il n’est pas d’hommes qui confondent plus habituellement l’agréable et l’honnête, l’utile et le juste. Or une telle disposition ne s’accorde guère avec vos rêves actuels de salut.

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Les Méliens. C’est là précisément ce qui nous rassure : ans leur propre intérêt, ils ne voudront pas abandonner leur olonie de Mélos, de peur de s’aliéner ceux des Grecs qui leur ont favorables, et de servir ainsi la cause de leurs ennemis.

Les Athéniens. Ne pensez-vous pas que l’intérêt et la ûreté vont de compagnie, tandis que la justice et l’honneur ont inséparables des dangers ? Or en général les Lacédémo-tiens s’y exposent le moins possible.

Les Méliens. Nous croyons qu’ils n’hésiteront pas à es affronter pour notre défense, et qu’ils auront pleine et en-ière confiance en nous. Notre proximité du Péloponèse leur acilite les moyens d’action, et la communauté d’origine leur garantit notre fidélité.

Les Athéniens. Pour ceux dont on réclame le concours, e meilleur gage n’est pas la sympathie qu’on a, mais les forces lont on dispose. C’est là ce que les Lacédémoniens envisagent ivant tout. Se défiant de leurs propres ressources, ils n’atta-juent jamais qu’à grand renfort d’alliés. Il est donc peu pro-Dable qu’ils passent dans une île, quand nous avons l’empire le la mer.

Les Méliens. Ils pourront en envoyer d’autres. Les eaux le la Crète sont vastes, et les dominateurs des mers auront dIus de peine à y exercer leur poursuite qu’on n’en aura à 'éviter. D’ailleurs, si les Lacédémoniens échouent de ce côté, ls se tourneront vers votre territoire et vers oeux de vos alliés lue n’a pas visités Brasidas. Dès lors ce ne sera plus pour une lerre étrangère, ce sera pour vos alliés et pour votre pays que vous aurez à combattre.

Les Athéniens. C’est une expérience qui a déjà été iaite. Jamais, vous le savez, la crainte d’autrui n’a fait aban-lonner un siège aux Athéniens. Mais nous étions convenus de lélibérer sur votre salut; et nous remarquons que, dans cette liscussion prolongée, vous n’avez pas encore articulé un seul not qui puisse Vous inspirer l’assurance de votre conserva-,ion. Vos plus fermes soutiens consistent en espérances loin-aines, et vos forces disponibles sont bien peu de chose pour riompher de celles qui se déploient sous vos yeux. Ce serait e comble de l’aveuglement que de ne pas prendre, après notre lépart, une résolution prudente. Vous ne serez pas les jouets de ;e fol amour-propre qui, dans les dangers manifestes et sans gloire, mène les hommes à leur ruine. Combien de gens, sans se faire illusion sur les conséquences de leur conduite, se laissent

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entraîner par le prestige d’un seul mot, l’honneur! Infatués de sa vertu magique, ils se jettent de gaieté de cœurdans des maux sans remède, et se couvrent d’un opprobre d’autant plus grand qu’il est dû à leur folie plutôt qu’à la fortune. C’est là ce que vous éviterez, si vous écoutez la raison. Tous ne tiendrez pas à déshonneur de céder à une ville puissante, qui borne ses prétentions à vous demander de devenir ses allie tributaires, tout en conservant vos biens. Libres d’opter entre la paix et la guerre, vous ne préférerez pas le mauvais parti. Résister à ses égaux, respecter les forts, ménager les faibles, tel est le moyen de se maintenir. Réfléchissez donc mûrement après notre départ, et dites-vous bien que c’est ici une question de vie ou de mort pour votre patrie ; que vous n’en arei qu’une, et que son avenir dépendra d’une seule résolution bonne ou mauvaise. »

Là-dessus les Athéniens quittèrent rassemblée. Le Méliens, demeurés seuls, prirent une décision conforme am principes émis par eux dans la conférence et répondirent :

« Athéniens, notre manière de voir n’a pas changé. Il ne sera pas dit qu’une ville qui compte sept siècles d’existence[*](Mélos fut colonisée, en même temps que Théra, par des Doriens partis de Laconie peu de temps après le retour des Héraclides, c’est-à-dire environ 1050 av. J. G. Il y avait donc précisément six cent quarante-quatre ans à cette époque de la guerre du Péloponèse. ) se soit laissé en quelques instants ravir sa liberté. Reins de confiance dans la protection divine qui nous a préservés jusqu’à ce jour, dans le secours des hommes et notamment des Lacédémoniens, nous essayerons de pourvoir à notre salut. Nous ne vous demandons qu’une chose : c’est de consentir à ce que nous soyons vos amis, tout en gardant la neutralité. Nous vous invitons à évacuer notre territoire, après avoir fait un traité aux conditions qui seront agréées par les déni partis. »

Telle fut la réponse des Méliens. Les Athéniens, rompant la conférence, s’exprimèrent en ces termes :

« Il paraît, d’après votre résolution, que seuls d'entre les hommes vous considérez l’avenir comme plus assuré que ce qui est sous vps yeux, et l’incertain comme déjà réalisé parle J fait de votre désir. Vous hasardez beaucoup en vous fiant am Lacédémoniens, à la fortune, à l’espérance. C’est vous préparer une amère déception. »

Là-dessus les députés athéniens rejoignirent l’année. Les généraux, voyant les Méliens s’obstiner, firent aussrtdt leurs dispositions d’attaque. Ils investirent Mélos d’un morde circonvallation, dont les troupes de chaque ville se partagèrent le travail, selon leur force numérique. Ils laissèrent d«

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étachements athéniens et alliés pour faire la garde par terre t par mer ; puis ils remirent à la voile avec le reste de l’ar-îée. Ceux qui demeuraient continuèrent le siège.

À la même époque, les Argiens envahirent le ternaire de Phlionte ; mais, étant tombés dans une embuscade qui îur fut tendue par les Phliasiens et par leurs propres bannis, Ls perdirent près de quatre-vingts hommes. Les Athéniens ui étaient à Pylos firent en Laconie un butin considérable. Ce ie fut pas pour les Lacédémoniens un motif de rompre la trêve t de leur déclarer la guerre ; seulement ils firent publier qu’en eprésailles chacun serait libre de piller les Athéniens. Les lorinthiens prirent aussi Les armes contre Athènes à Focca-ion de quelques difficultés particulières. Dans le reste du Péloponèse la paix ne fut pas troublée. '

Les Méliens, dans une attaque nocturne, s’emparèrent d’une partie de la circonvallation athénienne en face de l’agora, ils tuèrent quelques hommes, et introduisirent dans la ville lu blé et d’autres substances alimentaires ; après quoi ils rentrèrent et se tinrent en repos. Les Athéniens firent dès lors meilleure garde. Ce furent les derniers événement? de l’été.

L’hiver suivant, les Lacédémoniens se disposèrent à marcher contre PArgoIide ; mais les victimes pour le passage de la frontière n’ayant pas été favorables, ils rebroussèrent chemin. Cette démonstration inspira aux Argiens des soupçons contre quelques-uns de leurs concitoyens. Ils en arrêtèrent une partie ; les autres prirent la fuite.

Vers la même époque, les Méliens enlevèrent une nouvelle partie delà circonvallation, faiblement gardée par les Athéniens. Peu de temps après, une seconde armée arriva d’Athènes sous la conduite de Pbilocratès fils de Déméas. Dès lors le siège fut poussé avec plus de vigueur. La trahison s’en étant mêlée, les Piégés se rendirent à discrétion. Les Athéniens passèrent au fil de l’épée tous les adultes tombés en leur pouvoir, et réduisirent en servitude les femmes et les enfants. Plus tard, ils repeuplèrent File par l’envoi de cinq cents colons tirés de leur sein.

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[*](Les Athéniens projettent de conquérir la Sicile; grandeur, population, et colonisation de cette livre, ch. i-vi.Expéditions des Lacédémoniens en Argolide et des Athéniens en Macédoine, ch. vii.Dix-septième année de la guerre. Les Athéniens décrètent l’envoi d’une flotte en Sicile pour secourir les Ëgestains et rétablir les Léontins. ch. viii.Nicias s’oppose à cette expédition, ch. ix-xiv.Alcibiade au contraire la recommande, ch. xv-xvm.Les Athéniens votent l’expédition dè Sicile, ch. xix.Nicias cherche à les effrayer par la grandeur des préparatifs, ch. xx-xxîn.Son discours produit l’effet contraire, ch. xxiv-xxv.Commencement des préparatifs, ch. xvi.Mutilation des Hermès, ch. xxvn-xxix.Départ de . la flotte athénienne, ch. xxx-xxxii.A Syracuse Hermocratès annonce l’approche des Athéniens et sollicite des mesures de défense, ch. xxxm-xxxiv.Athénagoras cherche à le réfuter en parlant dans le sens populaire, ch. xxxv-xl.Un des généraux met fin au débat, ch. xli.Marche de la flotte athénienne, ch. xm-xuv.Préparatifs des Syracusains, ch. xlv.Conseil de guerre tenu par les généraux athéniens, ch. xlyi-xlix.Naxos et Catane se déclarent pour les Athéniens, ch. l-lii.Rappel d’Alcibiade, ch. un.Digression sur les Pisistratides, ch. liv-lix.Alcibiade s’échappe; il est condamné par contumace, ch. lx-lxi.Prise d’Hyccara par les Athéniens, ch. lxii.Dans l’hiver, les Athéniens abordent près de Syracuse, battent les Syracusains et retournent à Catane, ch. mn-lxxi.Les Syracusains demandent des secours à Corinthe et à Lacédémone, ch. lxxii-lxxiii.Les Athéniens hivernent à Naxos, ch. lxxiv.Les Syracusains se fortifient, ch. lxxv.Ambassade des deux partis à Camarine; discours d'Hermocratès et d’Euphémos, ch. lxxvi-lxxxvii.Corinthe et Lacédémone décident l’envoi de secours à Syracuse, ch. lxxxviu.Discours d'Alcibiade, ch. Lxxm-xcn.Gylippe est désigné pour aller prendre le commandement des Syracusains, ch. xciii.Dix-huitième année de la guerre. Entreprises partielles des Athéniens et des Lacédémoniens, ch. χατ-xcv.Les Athéniens s’établissent sur les Ëpipoles et entreprennent le siège de Syracuse, ch. xcvi-xcvii.Ils commencent l’investissement de la place; les Syracusains cherchent inutilement à s’y opposer, ch. xcviii-ciii.Gylippe arrive en Italie avec des renforts, ch. civ.Les Lacédémoniens envahissent l’Argolide; les Athéniens ravagent les côtes de Laconie ; rupture ouverte de la paix, ch. cv.)

Le même hiver, les Athéniens formèrent le projet de retourner dans la Sicile avec des forces supérieures à celles de Lâchés et d’Eurymédon[*](Voyez liv. ΙΠ, chap. lxxxvi et cxv, et liv. IV, ch. II et LXV. ), afin de la subjuguer, s’ils le pouvaient. La plupart d’entre eux ignoraient la grandeur de cette île et le nombre de ses habitants, Grecs et Barbares. Ils ne se doutaient pas que c’était entreprendre une guerre presque égale à celle du Péloponèse.

Pour faire le tour de la Sicile, il ne faut pas moins de huit ]ôuts à un bâtiment marchand. Quoique si vaste, elle n’est séparée du continent que par un bras de mer large tout au plus de vingt stades. J’indiquerai d’abord quels furent les anciens habitants de cette île et les divers peuples qui la colonisèrent.

Les premiers qui en occupèrent une partie furent, à ce qu’on prétend , les Gyclopes et les Lestrygons. Il m’est impossible de préciser l’origine de ces peuples, le lieu d’où ils étaient sortis, ni celui où ils se retirèrent. A cet égard, nous sommes réduits aux récits des poètes[*](Spécialement (Homère, Odyssée, ΙΧ-XII. ) et aux opinions individuelles.

Après eux, les Sicaniens paraissent avoir formé les premiers établissements. A les croire, ils seraient même antérieurs, car ils se disent autochthones ; mais le fait est que ce sont des Ihériens, chassés par les Ligyens des bords du fleuve Sicanos en Ibérie[*](On ignore quel est le fleuve que Thucydide appelle Sicanos. ). Ce sont eux qui donnèrent àl’île le nom de Sicanie, au lieu de celui de Trinacrie qu’elle portait auparavant. Ils occupent encore aujourd’hui la partie occidentale de la Sicile.

Lors de la prise d’Ilion, quelques Troyens échappés aux Grecs arrivèrent par mer en Sicile et s’établirent dans le voisinage des Sicaniens. Ces peuples réunis prirent le nom d’Ë-lymes. Leurs villes sont Ëryx et Ëgeste. A cette colonie s’adjoignirent quelques Phocéens revenus de Troie et poussés par des tempêtes d’abord en Libye, puis en Sicile.

Quant aux Sicules, ils habitaient primitivement l’Italie, d’où ils passèrent en Sicile pour fuir les Opiques[*](Les Opiques ou Osques étaient un des plus anciens peuples de l’Italie centrale. Ils habitaient principalement la Campanie et le Samnium. ). On dit'avec assez de vraisemblance qu’ils franchirent le détroit sur des radeaux en profitant d’un vent favorable, ou n’importe par quel moyen. Il existe encore aujourd’hui des Sicules en Italie ; cette contrée a même tiré son nom d’un de leurs rois, qui s’appelait Italos. Arrivés en Sicile avec des forces considérables, ils défirent en bataille les Sicaniens, les refoulèrent vers le sud et vers l’ouest

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de l'île, et changèrent le nom de Sicanie en celui de Sicile. Ils s’établirent dans la partie la plus fertile du pays, qu’ils occupèrent près de trois cents ans à dater de leur passage jusqu’à l’arrivée des Grecs en Sicile. De nos jours encore le centre et le nord de Pile sont habités par eux.

Les Phéniciens créèrent aussi des établissements autour de la Sicile. Ils se saisirent des caps et des îlots voisins des côtes, pour faciliter leur commerce avec les Sicules. Mais lorsque les Grecs arrivèrent par mer en nombre toujours croissant, les Phéniciens abandonnèrent la plupart de ces places, pour se concentrer à Motya, Soloïs et Panormos, dans le voisinage des Ëlymes. Ils y trouvaient le double avantage d’avoir un point d’appui dans l’hlljance de ces peuples, et d?être à proximité de Carthage, qui en cet endroit n’est séparée de la Sicile que par un court trajet.

Tels furent les Barbares qui peuplèrent la Sicile. Quant aux Grecs, les premiers furent des Chaicidéens venus d’Eubée sous la conduite de Thouclès. Ils fondèrent Naixos, ainsi que l’autel d’Apollon Archégétès[*](C’est-à-dire conducteur primordial, épithète donnée à Apollon dans son temple de Naxos, parce que ce fut le premier endroit où les Grecs abordèrent en Sicile. ), qui est actuellement hors de la ville, et où les théores[*](Députés sacrés, que les villes envoyaient pour consulter l’oracle de Delphes ou pour prendre part aux solennités religieuses des autres pays. ) partant de Sicile offrent leur premier sacrifice.

L’année suivante, Syracuse fut fondée par l’Héraclide Archias, vénu de Corinthe[*](Syracuse et Corcyre, colonies de Corinthe, furent fondées la même année (probablement sept centdrente-cinq ans av. J. C.), la première par Archias, la seconde par Architélès. ). Il chassa d’abord les Sicules de vue maintenant reliée à la terre ferme et qui forme le quartier intérieur[*](La petite lie de Syracuse, que Virgile appelle Ortygie et Tite Live Nasos, par opposition au quartier d’Achradine, situé sur la grande île de Sicile. Du temps de Thucydide, Syracuse ne comprenait que ces deux quartiers; plus tard elle embrassa aussi les faubourgs. Le nom d’Achradine ne se trouve pas dans Thucydide. ). Avec le temps, la ville extérieure devint aussi fort peuplée.

Cinq ans après la fondation de Syracuse, Thouclès et les Chaicidéens, partant de Naxos, chassèrent les Sicules par la force des armes, et fondèrent premièrement Léontini, puis Catane. Les Catanéens prirent Ëvarchos pour fondateur.

À la même époque, Lamis arriva en Sicile à la tête d’une colonie de Mégariens, et fonda, près du fleuve Pantacyas, une place notamée Trotilos. Il l’abandonna ensuite pour s’associer aux Chaicidéens de Léontini ; mais quelque temps après, chassé par eux, il alla fonder Thapsos. Après sa mort, ses compagnons furent expulsés de cette ville ; et, sur l’invitation d’Hyblon, roi des Sicules, qui leur céda des terres, ils allèrent fonder Mégara-Hybléa. Après une occupation de deux cent quarante-cinq ans, ils furent chassés de cette ville et de son territoire par Gélon, tyran de Syracuse. Mais, avant leur expulsion et cent ans après leur premier établissement, ils avaient envoyé Pamillos fonder Sélinonte. Celui-ci était venu de Me-gare, leur métropole, pour présider à la colonisation.

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Gela fut fondée, quarante-cinq ans après Syracuse, par la réunion de deux colonies, Tune de Rhodiens conduits par Antiphémos, l’antre de Cretois ayant pour chef £utimos. La ville prit son nom du fleuve Géla ; mais le quartier qui maintenant forme la citadelle et qui fut bâti le premier, s'appelle Iindies[*](Nom dérivé de Iindos, une des villes de 111e de Rhode. ). Cette ville reçut des institutions doriennes. Il y avait près de cent huit ans qu’elle subsistait, lorsque ses habitants fondèrent Agrigente. dont ils empruntèrent le nom au fleuve Acragas. Ils prirent pour fondateurs Aristonoüs et Pystilos, et donnèrent à cette ville les institutions de Géla.

Zanclé dut sa fondation à des pirates de Cymé , ville chalei-déenne du pays des Opiques. Plus tard une troupe partie de Chalcis et du reste de l’Eubée vint partager le territoire avec eux. Les fondateurs furent Périérès et Cratéménès, l’un de Cymé, l'autre de Chalcis. Son nom primitif de Zanclé lui avait été donné par les Sicules, parce que l’emplacement qu’elle occupe a la forme d’une faucille, instrument que les Sicules appellent zanclon. Dans la suite , les habitants furent expulsés par des Samiens et par d’autres Ioniens, qui, fuyant les Mèdes, vinrent aborder en Sicile. Ces Samiens furent chassés à leur tour par Anaxilas, tyran de Rhégion, qui établit dans la ville une population mélangée, et l’appela Messine du nom de son ancienne patrie[*](Anaxilas était d'origine messénienne (Strabon, VI, i). Son entreprise sur Zanclé, avec des Samiens et des Milêsiens fugitifs, est racontée par Hérodote, liv. VI, ch. xxni. ).