History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése. Bétant, Élie-Ami, translator. Paris: Librairie de L. Hachette, 1863.

« Cela étant, disposez-vous ou bien à obtempérer avant d’àvoir souffert aucun dommage, ou bien — si vous prenez le bon parti, celui de la guerre — à ne fléchir sous aucun prétexte, afin de ne pas éprouver des craintes continuelles au sujet de vos possessions, car c’est toujours se laisser asservir que de subir une prétention exorbitante ou légère, imposée avant jugement par des égaux.

« Quant à ce qui concerne cette guerre et les ressources des deux partis, apprenez, par le détail que je vais vous faire, que nous n’aurons pas l’infériorité. Les Péloponésiens cultivent eux-mêmes leurs terres ; ils ne possèdent ni richesses privées ni richesses publiques ; ils n’ont pas l’expérience dés guerres longues et transmarines, parce que leurs luttes entre eux sont de courte durée à raison de leur pauvreté. De tels peuples ne peuvent ni équiper des flottes, ni expédier fréquemment des armées de terre, parce‘qu’ils se trouvent dans la double obligation de s’éloigner de leurs champs et de vivre de leurs récoltes, sans compter que la mer leur sera fermée. Or ce sont les trésors amassés qui soutiennent la guerre, bien plus que les contributions forcées. Les hommes qui travaillent de leurs mains sont plus disposés à payer de leur personne que de leurs deniers; car ils ont au moins l’espérance d’échapper aux périls,tandis qu’ils ne sont pas sûrs ,de ne pas voir leurs

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ressources prématurément épuisées, surtout si la guerre, comme il est probable, se prolonge au delà de leurs prévisions.

« Dans un seul combat, les Péloponésiens et leurs alliés sont en état de faire tête au reste de la Grèce ; mais ils ne sauraient soutenir la guerre contre une puissance qui la fait autrement qu’eux. L’absence d’un conseil unique les empêche de rien exécuter avec célérité. Égaux par le droit fie suffrage, mais différents d’origine, ils poursuivent chacun leur avantage particulier. Il en résulte que rien ne s’achève; car les uns veulent avant tout satisfaire leur vengeance, les autres nuire le moins possible à leurs propriétés. Assemblés avec lenteur, ils donnent peu de temps aux affaires générales et beaucoup aux intérêts locaux ; chacun se figure que sa propre négligence est sans inconvénient, qu’un autre avisera à sa place ; et comme ils font tous le même calcul, il s'ensuit que, sans qu’on s’en doute, l’utilité commune ést sacrifiée.

« Mais rien ne les arrêtera plus que le manque d’argent et le temps qu’ils perdront à s’en procurer; or, à la guerre, les occasions n’attendent pas. Les fortifications dont ils nous menacent sont aussi peu redoutables que leur marine. Il est difficile, même en temps de paix, à une ville puissante, de construire de semblables fortifications ; à plus forte raison en pays ennemi et quand nous leur opposerons la même tactique. S’ils bâtissent un fort, ils pourront bien, par des incursions, ravager une partie de nos terres, et provoquer des désertions[*](Désertions d’esclaves fugitifs, telles qu’Àthènes en éprouva un si grand nombre pendant l’occupation de Décélie par les Lacédémoniens. Voyez liv. VII, ch. xxvii. ) ; mais ils ne nous empêcheront pas de cingler contre leur territoire pour y élever des forts à notre tour, et de diriger contre eux cette marine qui fait notre force. L’habitude de la mer nous assure plus d’habileté sur terre que leur expérience continentale ne leur en donne pour la navigation.

« Quant à la science navale, il ne leur sera pas facile de l’acquérir. Vous-mêmes, qui vous y êtes appliqués depuis les guerres médiques, vous ne l’avez pas encore portée à sa perfection; comment donc des peuples agrjcoleset nullement maritimes, qui d’ailleurs, toujours maintenus en respect par nos escadres, n’auront pas la liberté de s’exercer, obtiendraient-ils quelque résultat? S’ils n’avaient affaire qu’à de faibles croisières, peut-être, le nombre enhardissant leur ignorance, se hasarderaient-ils à livrer bataille; mais, bloqués par des forces supérieures, ils resteront en repos ; dès lors le défaut d'exercice augmentera leur maladresse, et conséquemment leur timidité. Or la marine est un ait tout comme, un autre : elle ne

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souffre pas qu’on la cultive accidentellement et comme un accessoire; c’est elle au contraire qui ne comporte aucun accèssoire.

« Supposons qu’ils mettent la main sur les trésors de Delphes et d’Olympie, et qu’à l'aide d’une forte solde ils cherchent à débaucher nos matelots étrangers : si, nous embarquant nous et nos métèques [*](Les métèques étaient leS étrangers domiciliés à Athènes. Ils formaient près du quart de la population libre. Entre autres obligations, ils étaient astreints au service utilitaire. Les plus aisés faisaient fonction d’hoplites; les autres servaient comme troupes légères ou comme rameurs sur les vaisseaux de l’État. ), nous n’étions pas capables de leur tenir tête, nous serions bien malheureux. C’est là un avantage qu’on ne saurait nous ravir ; et puis — ce qui est capital — nous avons des pilotes citoyens, des équipages plus nombreux et meilleurs que n’en possède tout le reste de la Grèce; sans compter qu’au moment du péril aucun étranger ne voudra, pour quelques jours de haute paye, se joindre à eux, avec moins d’espérance et au risque de se voir exilé de son pays[*](Parce que ces matelots devaient, pour la plupart, appartenir aux lies et aux villes maritimes de l’empire d’Athènes, et que les Athéniens puniraient de bannissement ceux de leurs ressortissants qui auraient pris du service dans la marine ennemie. ).

« Telle me paraît être, ou à peu près,, la situation des Pélo-ponésiens; la nôtre, loin de donner prise aux mêmes critiques, se trouve infiniment préférable. S’ils attaquent notre pays par terre, nous ferons voile contre le leur, et le ravage de l’Attique entière sera plus que compensé par celui d’une partie du Pélo-ponèse. Ils n’auront pas la ressource d’occuper un autre territoire sans combat, tandis que nous, nous possédons beaucoup de terres, soit dans les îles soit sur le continent; çar c’est une grande force que l’empire de la mer. Je vous le demande, si nous étions insulaires, quel peuple serait plus inexpugnable que nous? Eh bien! il faut nous rapprocher le plus possible de cette hypothèse, en abandonnant nos campagnes et nos habitations, pour nous borner à la défense de la mer et de notre ville, sans que la perte du reste nous inspire assez de colère pour nous faire livrer bataille aux forces supérieures des Pé-loponésiens. Vainqueurs, nous ne les empêcherions pas de revenir en aussi grand nombre; vaincus, nous perdrions du même coup ce qui constitue notre force, je veux dire nos alliés, qui ne se tiendraient pas en repos du moment où ils nous verraient hors d’état de marcher contre eux. Ce qu’il faut déplorer, ce n’est pas la perte des maisons ni des terres, mais celle des hommes ; car ce ne spnt p^s ces choses-là qui acquièrent les hommes, mais les hommes qui les acquièrent. Si je me flattais de vous persuader, je vous dirais : sortez et ravagez vous-mêmes vos campagnes, montrez aux Péloponésiens que ce n’est pas pour de tels objets que vous vous humilierez devant eux.

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« J'ai encore d’autres motifs d’espérer la victoire, pourvu que vous renonciez à étendre votre domination durant la guerre, et que vous ne vous jetiez pas de gaieté de cœur dans un surcroît de dangers. J’appréhende bien plus nos propres fautes que les plans, de nos adversaires. Mais je traiterai ce sujet dans un autre discours, quand les opérations auront commencé [*](Voy. livre II, cbap. soi.) ; pour le moment, renvoyons ces ambassadeurs en leur répondant que nous permettrons aux Mégariens d’user de notre marché et de nos ports, quand les Lacédémoniens cesseront d’expulser de chez eux nous et nos alliés[*](A Sparte, une loi, dite xénélasve, ne permettait pas l’établissement des étrangers. On ne tolérait que ceux qui étaient en passage, mais aucun métèque ou étranger domicilié. ) — l’un n’est pas plus contraire au traité que Vautré ; — que nous laisserons l’indépendance aux villes, si elles en jouissaient lors de la Conclusion de la paix, et si les Lacédémoniens permettent aux cités de leur ressort de se gouverner, non pas selon les intérêts de Lacédémone, mais chacune comme elle l'entend ; que nous sommes prêts à accepter l’arbitrage selon la teneur du traité; qu’enfin nous ne commencerons pas la guerre, mais que si l’on nous attaque, nous nous défendrons. Voilà une réponse à la fois juste et digne de notre ville.

« Au surplus, dites-vous bien que la guerre est inévitable ; que, si nous l’acceptons résolûment, nos adversaires pèseront moins sur nous ; d’ailleurs, pour les États comme pour les particuliers, ce sont les plus grands périls qui procurent le plus de gloire. C’est ainsi que, dans leur lutte contre les Mèdes, nos pères, qui étaient loin de nous égaler en ressources et qui sacrifièrent le peu qu’ils possédaient, trouvèrent dans leur bon sens plus que dans leur fortune, et dans leur audace plus que dans leur force, les moyens de repousser le Barbare et d’élever Athènes au rang qu’elle occupe aujourd’hui.

« Ne dégénérons pas de leur vertu; défendons-nous à outrance Contre nos ennemis, et faisons en sorte de ne pas trans· mettre cette puissance amoindrie à nos descendants. »

Ainsi parla Périclès. Les Athéniens, convaincus que son avis était le meilleur, votèrent ce qu’il proposait et firent aux Lacédémoniens la réponse qu’il avait dictée. Ils déclarèrent qu’ils n’obéiraient point à des ordres, mais qu’ils étaient prêts, conformément au traité, à régler leurs contestations par les voies légales et sur un pied d’égalité. Les députés se retirèrent, et dès lors on n’en renvoya plus.

Tels furent, des deux côtés, les griefs et les différends qui

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précédèrent la guerre, à dater des affaires d’Épidamne et de Corcyre. Cependant les relations internationales n’étaient pas interrompues ; on communiquait d’un pays à l’autre sans ministère de héraut, mais non pas sans défiance ; car il y avait dans ce qui se passait un prétexte de guerre et une atteinte portée aux traités.

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[*](Première année de la guerre. Entreprise des Thébains contre Platée, ch. i-vi.Préparatifs et alliés des deux partis, ch. vn-ix.Les Péloponésiens se ^assemblent à l’Isthme, ch. x.Harangue d’Ar-chidamos, ch. xi.Inutile envoi d’un parlementaire à Athènes, ch. xii.Périclès expose aux Athéniens son plan de guerre, ch.xm.Retraite des campagnards dans la villé; digression sur l’ancien état de l’Attique, ch. xiv-xvn.Première invasion des Péloponésiens en Attique; envoi d’une flotte athénienne autour du Péloponèse, ch. xvm-xxv.Expédition navale des Athéniens contre la Locride, ch. xxvi.Expulsion des Êginètes, ch. xxvii.Eclipse de soleil, ch. xxviii.Alliance des Athéniens avec Sitalcès, roi des Odryses, ch. xxix.Les Athéniens prennent Sollion, Astacos et Céphallénie, envahissent la Mégaride et fortifient l’île d’Atalante, ch. xxx-xxxn. Dans l’hiver, expédition des Corinthiens contre Astacos, ch. xxxm. Sépulture des Athéniens morts dans les combats de l’été, ch. xxxiv. 'Oraison funèbre prononcée par Périclès, ch. xxxv-xlvi.Deuxième année de la guerre. Seconde invasion des Péloponésiens en Attique. Peste d’Athènes, ch. xlvii-lvii.Renforts envoyés à l’armée athénienne assiégeant Potidée,ch. lviii.Irritation des Athéniens contre Périclès, ch. lix.Discours de Périclès, ch. lx-lxiv.Mort de Périclès et jugement porté sur son administration, ch. lxv. Expédition navale des Péloponésiens contre Zacynthe, ch. lxvi.Arrestation de députés lacédémoniens envoyés au roi de Perse, ch. lxvii.Expédition des Ambraciotes contre Argos Amphilochi-con, ch. lxviii.Dans l’hiver, opérations maritimes des Athéniens contre le Péloponèse, la Carie et la Lycie, ch. lxix.Prise de Potidée, ch. lxx.Troisième année de la guerre. Siège de Platée par les Péloponésiens, ch. lxxi-lxxviii.Défaite des Athéniens à Spartolos, ch. lxxix.Défaite des Péloponésiens à Stratos, ch. lxxx-lxxxii.Batailles navales dans le golfe de Corinthe ; harangues de Brasidas et de Phormion, ch. lxxxui-xcii.Tentative des Péloponé-sieqs sur le Pirée, ch. xcni-xciv.Expédition de Sitalcès en Macédoine; digression sur le royaume des Odryses, ch. xcv-ci.Expédition de Phormion en Acarnanie, ch. cii-ciii.)

Ici commence la guerre entre les Athéniens et les Pélo-ponésiens, soutenus par leurs alliés respectifs. Pendant sa

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durée, ils n’eurent plus de communications que par ministère de héraut, et les hostilités une fois entamées ne discontinuèrent plus. Les événements sont rapportés dans Tordre chronologique, par été et par hiver.

La paix de trente ans, conclue après la conquête de l’Eubée, n’en subsista que quatorze. La quinzième année[*](Première année de la guerre, 431 av. J. C,— L’auteur accumule les indications chronologiques, afin de bien établir ce point de départ. Chaque peuple de la Grèce avait sa manière de compter les années] civiles : les Athéniens, d’après l’archonte-éponyme (entrant en charge au commencement de juillet); les Lacédémoniens, d’après le premier de leurs éphores; les Argiens, d’après le sacerdoce de la prêtresse de Junon. Dans sa narration. Thucydide ne suit pas l’année civile, mais l’année solaire, qui cadre mieux avec l’époque des opérations militaires. L’entreprise des Thébains sur Platée correspond à la fin d’avril 431 av. J. C. ), alors que Chrysis était prêtresse à Argos depuis quarante-huit ans, Énésias éphore à Sparte, Pythodoros encore pour deux mois archonte à Athènes, le sixième mois après la bataille de Potidée et au commencement du printemps, des Thébains, au nombre d’un peu plus de trois cents, conduits par les béo-tarques [*](Magistrats supérieurs de la confédération béotienne. Ils étaient annuels, rééligibles, et commandaient les troupes de leur État. La ville de Thèbes avait deux béotarques; les autres seulement un. Le nombre de ces magistrats varia suivant les temps. A la bataille de Délion, où se trouvaient toutes les forces béotiennes, il y avait onze béotarques (IV, xci). ) Pythangélos fils de Philidès et Diemporos fils d’Oné-toridès, environ l’heure du premier sommeil, entrèrent en armes à Platée, ville de Béotie, alliée d’Athènes. Ce furent des Platéens, Nauclidès et ses adhérents [*](Les portes de ville se fermaient au moyen d’une barre mobile, qui s’ajustait à deux crochets fixés aux battants, et dont les deux bouts s’enfoncaient dans des cavités ménagées dans les montants. Pour que la porte fût fermée aussi bien en dedans qu’en dehors, on insérait un boulon ou cheville de fer (βάλανος) dans un trou pratiqué à la barre et à l’un des montants, de manière à ce que la cheville s’y ûoyàt complètement. Cette cheville était creuse et munie d’un pas de vis à l’intérieur. Pour ouvrir, il fallait une clef (βαλανάγρα), qui s’adaptait au boulon et permettait de l’extraire. Ici le Platéen remplace le boulon par un fer de javelot, à peu près de la même forme, et dont il casse ensuite le bois, en sorte qu’il n’y ait plus moyen d’ouvrir. ), qûi les appelèrent et leur ouvrirent les portes. Ils voulaient, pour s’assurer l’autorité, se défaire de leurs antagonistes et livrer la ville aux Thébains. Le complot avait été ourdi entre eux et Eurymachos fils de Léontiadès, un des hommes les plus marquants de Thèbes[*](La faction oligarchique de Platée. Ce Léontiadès est le même qui était à la tête du gouvernement tbébain pendant la guerre Médique. (Hérodote, VII, ccv et ccxxiii.) ). Les Thébains, qui voyaient venir la guerre, désiraient, avant qu’elle eût éclaté, se saisir de Platée, leur éternelle ennemie. Il ne leur fut pas difficile d’entrer sans être aperçus; car on ne faisait pas encore la garde. Ils prirent position sur la place publique ; mais, au lieu de se mettre aussitôt à l'œuvre, comme l’auraient voulu les meneurs, et d’aller droit aux maisons de leurs adversaires, ils préférèrent user de proclamations conciliantes, afin d’amener la ville à composition. Le héraut publia que, si quelqu’un voulait entrer dans Tal-liance, suivant les institutions nationales de la confédération béotienne, il eût à venir en armes se ranger auprès d’eux. Ils espéraient que, par ce moyen, Platée se soumettrait sans peine.

Quand les Platéens surent les Thébains dans leurs murs, et la ville occupée, ils eurent un moment de frayeur; ils les croyaient plus nombreux, car la nuit empêchait de les voir. Ils entrèrent donc en accommodement, reçurent les propositions qui leur étaient faites et demeurèrent en repos, d’autant plus aisément qu’aucun d’eiix n’était inquiété ; mais, durant ces pourparlers, ils s’aperçurent du petit nombre des Thébains et pensèrent qu’en les assaillant ils en auraient bon marché. La grande majorité des Platéens n’avait nulle envie de se détacher d’Athènes ; l’attaque fut donc résolue. De peur d’être décou- 1

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verts en circulant dans la ville, ils se rassemblèrent en perçant les murs mitoyens des maisons ; ils barricadèrent les rues à Taide de chariots dételés, et firent de leur mieux toutes les dispositions convenables; puis, leurs préparatifs terminés, profitant d’un reste de nuit et sans attendre le lever de l’aurore, ils sortirent des maisons, et marchèrent aux Thébains. En plein jour, ceux-ci eussent été plus hardis et la partie moins inégale ; tandis que, de nuit, les Platéens devaient les trouver intimidés et avoir sur eux l’avantage de la connaissance des localités. Ils les assaillirent donc sans retard et en vinrent immédiatement aux mains.

Les Thébains, se voyant trompés, serrèrent leurs rangs, firent front de tous côtés et repoussèrent deux ou trois attaques. Mais quand les Platéens se ruèrent sur eux en grand tumulte ; quand, du haut des maisons, les femmes et les valets, avec des cris et des hurlements, firent voler les pierres et les tuiles ; quand une pluie battante vint encore augmenter l'obscurité, ils furent saisis d’épouvante; et, prenant la fuite, ils se mirent à courir à la débandade, par la boue, dans les ténèbres , — la lune était sur son déclin, — la plupart ignorant les détours qui auraient pu les sauver, tandis que leurs ennemis, plus expérimentés, leur coupaient la retraite : aussi leur perte fut-elle considérable. Un Platéen ferma la porte par où ils étaient entrés et qui seule était ouverte ; à cet effet, il se servit d’un fer de javelot, qu’il inséra dans la barre en guise de boulon ; ainsi, pas même de ce côté, il n’y avait d’issue. Poursuivis par la ville, quelques-uns escaladèrent la muraille, sautèrent dehors et se tuèrent presque tous ; d’autres avisèrent une porte non gardée, rompirent furtivement la barre au moyen d’une hache qu'une femme leur prêta, et s’échappèrent, mais en petit nombre, car on s’en aperçut bientôt; Vautres périrent çà et là dans Platée. Le gros de la troupe, ceux qui étaient demeurés en corps, alla donner dans un grand édifice adossé à la muraille et dont l’entrée était ouverte; ils la prirent pour une des portes de la ville et crurent qu'elle communiquait directement avec l’extérieur. Les Platéens, les voyant traqués, délibérèrent s’ils ne les brûleraient pas tous en mettant le feu à l’édifice, ou s’ils prendraient un autre parti. Finalement ces Thébains et tous ceux qui étaient épars dans la ville se rendirent à discrétion, et mirent bas les armes.

Tel fut le sort des Thébains entrés dans Platée. D’autres devaient, cette nuit même, arriver de Thèbes en corps d’armée

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pour les soutenir au besoin. Ils apprirent en route ce qui se passait et pressèrent le pas. Platée est à soixante-dix stades de Thèbes; l’orage de la nuit retarda leur marche ; le fleuve Asopos s’enfla et devint difficile à franchir; ils cheminèrent par la pluie, traversèrent le fleuve à grand’peine, et n’arrivèrent qu’après la prise ou la mort de leurs gens. En conséquence ils se mirent en devoir de dresser des embûches à ceux des Pla-téens qui étaient hors de la ville ; car il y avait dans la campagne bon nombre d’hommes, avec tout l'attirail qui s’y trouve en temps de paix èt de sécurité. Ils voulaient que ceux qu’ils réussiraient à prendre leur répondissent des captifs. Comme ils délibéraient, les Platéens, soupçonnant leurs intentions et alarmés pour ceux du dehors, envoyèrent un héraut pour dire aux Thébains que c’était une impiété à eux d’avoir cherché à s'emparer de leur ville en pleine paix; qu’ils se gardassent bien de toucher à ceux de l’extérieur, s’ils ne voulaient pas que les Platéens missent à mort les prisonniers tombés entre leurs mains ; s’engageant d’ailleurs à les rendre si les Thébains évacuaient le territoire. C’est là du moins ce que disent les Thébains, et ils ajoutent que cette convention fut confirmée par serment. Les Platéens au contraire soutiennent qu’ils n’avaient pas promis de rendre immédiatement les prisonniers, mais qu’ils étaient entrés simplement en pourparlers, pour essayer d’en venir à un accord, et ils affirment n'avoir rien juré. Quoi qu’il en soit, les Thébains quittèrent le pays sans y avoir fait aucun mal, tandis que les Platéens n’eurent pas plus tôt retiré dans leurs murs ce qui était dans les campagnes, qu’ils massacrèrent tous les prisonniers, au nombre de cent quatre-vingts. Parmi ces derniers se trouvait Eurymachos, le principal agent de la trahison.

Là-dessus ils dépêchèrent un courrier à Athènes, permirent aux Thébains d’enlever leurs morts, et firent dans leur ville toutes les dispositions que réclamaient les circonstances.

Les Athéniens ne tardèrent pas à être informes des événements de Platée. A l’instant ils mirent en arrestation tous les Béotiens qui étaient en Attique ; puis ils envoyèrent aux Platéens un héraut pour leur dire de ne rien statuer sur les Thébains prisonniers, avant qu’ils en eussent délibéré eux-mêmes. Ils ne savaient pas encore qu’ils fussent morts. Un premier courrier était parti de Platée au moment de l’entrée des Thébains; un second lorsqu’ils venaient d’être vaincus et pris; là s’arrêtaient les informations reçues à Athènes, et ce fut dans

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cette ignorance qu’on expédia le héraut. A son arrivée, il trouva les prisonniers massacrés. Les Athéniens firent passer des troupes et des vivres à Platée, y laissèrent garnison et emmenèrent les hommes les moins valides, ainsi que les femmes et les enfants.

L’affaire de Platée était une violation flagrante de la paix. Les Athéniens se préparèrent donc à la guerre ; les Lacédémoniens et leurs alliés en firent autant. Les deux partis se disposèrent à envoyer des ambassades soit en Perse soit à d’autres nations barbares, de qui ils espéraient obtenir des secours; enfin ils mirent tout en œuvre pour attirer dans leur alliance les villes étrangères à leur domination. Les Lacédémoniens, indépendamment des vaisseaux qu’ils avaient sous la main, commandèrent aux villes d’Italie et de Sicile qui avaient pris parti pour eux d’en construire d’autres, chacune proportionnellement à sa grandeur, en sorte que la flotte atteignît le chiffre de cinq cents navires. Leurs alliés eurent ordre de préparer un premier contingent d’argent, et, pour le surplus, de demeurer tranquilles, sans recevoir chez eux plus d’un vaisseau athénien à la fois, jusqu’à ce que tout fût prêt. Les Athéniens firent la revue de leurs alliés et envoyèrent des députations, particulièrement aux États qui avoisinent le Péloponèse, à Corcyre, à Céphallénie, en Acarnanie et à Zacynthe. Ils sentaient bien que, s’ils avaient ces peuples pour amis, ils pourraient en toute sûreté porter la guerre sur tous les points du Péloponèse.

De part et d’autre on ne formait que de vastes projets et l’on était plein de feu pour cette guerre. Il ne faut pas s’en étonner : c’est toujours au début qu’on déploie le plus d’ardeur. Ajoutez à cela qu’il y avait à cette époque, soit dans le Péloponèse, soit à Athènes, une nombreuse jeunesse qui, par inexpérience, ne demandait pas mieux que d’essayer de la guerre. Tout le reste de la Grèce était dans l’attente, à la veille do ce conflit des plus puissants États. Dans les cités rivales comme dans les autres, ce n’étaient que présages et que devins qui allaient chantant des oracles. De plus, chose inouïe jusqu’alors, Délos avait éprouvé, peu auparavant, une secousse de tremblement de terre [*](Nouveau démenti donné à Hérodote, lequel (VI, xcvm) affirme que Délos éprouva un tremblement de terre peu avant la guerre Médique. On a cherché assez inutilement «à concilier ces deux assertions contradictoires. ), et l’on voyait dans ce phénomène un pronostic des événements qui se préparaient. Toutes les particularités de ce genre étaient recueillies avec avidité. Du reste, la sympathie générale se prononçait hautement en faveur des Lacédémoniens, surtout depuis qu’ils avaient annoncé l’intention d’affranchir la Grèce. Villes et particuliers rivalisalent

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de zèle pour les seconder selon leur pouvoir, soit en paroles soit en actions; chacun s’imaginait que les affaires souffriraient de son absence. Tant l’animosité contre les Athéniens était grande, les uns voulant se soustraire à leur domination, les autres craignant de la subir.

Ce fut avec ces préparatifs et dans ces sentiments que la guerre fut commencée. Il me reste à faire connaître quels étaient dans l’origine les alliés des deux partis.

Les Lacédémoniens avaient pour eux tous les peuples du Péloponèse situés en deçà de l’Isthme, hormis les Argiens et les Achéens qui gardaient la neutralité. Les Pelléniens[*](Pellène, une des douze villes de la confédération achéenne, était située à l’extrémité orientale de ce pays, syr les confins de la Sicyonie. Le lien fédéral entre les villes achéennes était assez faible, à l’époque de la guerre du Péîoponèse, pour que chacune pût agir isolément. Sicyone formait une république indépendante, nullement comprise dans TAchaïe. ( ) furent les seuls de l’Achaïe qui prirent tout d’abord le parti de Lacédémone ; plus tard leur exemple fut suivi par le reste des Achéens. En dehors du Péloponèse, les Mégariens, les Phocéens, les Locriens, les Béotiens, les Ambraciotes, les Leuca-diens, les Anactoriens. Parmi ces peuples, les Corinthiens, les Mégariens, les Sicyoniens, les Pelléniens, les Éléens, les Ambraciotes et les Leucadiens fournissaient des vaisseaux; les Béotiens, les Phocéens et les Locriens, de la cavalerie; les autres de l’infanterie.

Les alliés des Athéniens étaient Chios, Lesbos, Platée, les Messéniens de Naupacte, la majeure partie des Acarnaniens, Corcyre, Zacynthe; à quoi il faut ajouter les villes tributaires situées en divers pays, savoir la Carie maritime, la Doride voisine de la Carie, l’Ionie, l’Hellespont, le littoral de la Thrace, toutes les îles situées à l’orient entre le Péloponèse et la Crète, le reste des Cyclades, excepté Mélos et Théra[*](Ces deux îles étaient des colonies lacédémoniennes. Théra (San-torin) est ordinairement attribuée au groupe des Sporades; mais cette dernière dénomination est inconnue de Thucydide. ). Dans ce nombre, Chios, Lesbos et Corcyre fournissaient des vaisseaux; les autres, de l’infanterie et de l’argent.

Tels étaient les alliés et les ressources des deux partis au début de la guerre[*](Voyez liv. VII, chap. lvu, lviii, une nouvelle énumération des alliés des deux partis à cette seconde époque de la guerre. ).

Aussitôt après l’affaire de Platée, les Lacédémoniens firent savoir à tous leurs alliés, soit du Péloponèse soit du dehors, qu’ils eussent à préparer leurs troupes et le matériel nécessaire pour une expédition hors du pays, ce qui revenait à dire qu’on allait envahir l’Attique. Tout s’étant trouvé prêt pour le moment indiqué, les deux tiers des contingents de chaque État se rassemblèrent à l’Isthme. Dès que l’armée fut réunie, Archi-damos, roi des Lacédémoniens et chef de cette expédition, convoqua les généraux de chaque ville, les principaux officiers et les hommes les plus éminents, et leur adressa l’allocution suivante :

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« Péloponésiens et alliés, nos pères ont bien des fois porté les armes dans le Péloponèse ou au dehors, et les plus Agés d’entre vous ne sont pas sans expérience de la guerre. Jamais cependant nous ne sommes entrés en campagne arec un appareil plus formidable qu’aujourd’hui. Ayant affaire à une ville très-puissante, nous avons voulu allier le nombre à la valeur. On est donc en droit d’attendre que nous ne serons pas moins braves que nos pères, que nous ne resterons pas au-dessous de notre renommée. La Grèce entière, vivement émue de notre entreprise, a les regards fixés sur nous et, dans son inimitié contre Athènes, elle fait des vœux pour nos succès.

« Néanmoins, malgré notre supériorité numérique et le peu d’apparence que l’ennemi accepte le combat, gardons-nous de marcher sans précaution. Généraux et soldats de chaque ville doivent toujours être sur le qui-vive. A la guerre, rien d’assuré; le plus souvent les attaques sont brusques et inopinées. Que de fois n'a-t-on pas vu des armées moindres, mais sur leurs gardes, triompher d’adversaires plus nombrenx, mais plongés dans une trompeuse sécurité ? Il faut toujours, en pays ennemi, s’avancer le cœur plein de confiance, mais en réalité avec une circonspection craintive; c’est le moyen d’assurer l’attaque et la défense.

« La ville contre laquelle nous marchons, loin d’être sans forces, est abondamment pourvue de tout. Si jusqu’à ce jour les ennemis sont restés immobiles, c’est que nous étions encore éloignés ; mais tout porte à croire qu iis sortiront en bataille du moment qu’ils nous verront dévaster leurs propriétés. Le spectacle d’un dommage inaccoutumé ne manque jamais d’enflammer la colère; alors on ne réfléchit plus, on agit avec emportement. Ce doit être surtout le cas pour les Athéniens, qui prétendent commander aux autres, et qui sont plus habitués à ravager le pays d’autrui qu’à voir ravager le leur.

« Puis donc que nous portons les armes contre une ville si puissante, et que notre renommée, à nous et à nos ancêtres, doit dépendre de nos succès ou de nos revers, suivez la route qui vous sera tracée. Observez avant tout la discipline, soyez vigilants, soyez prompts à saisit· les commandements. Rien n’est plus beau ni plus sûr à la fois qu’une armée nombreuse qui se meut avec une parfaite unité. »

Lorsqu’il eut achevé ce discours et congédié l’assemblée, Archidamos fit partir pour Athènes le Spartiate Mélésip-pos, fils de Diacritos, afin de savoir si les Athéniens, voyant

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l’armée en marche, se montreraient pins accommodants; mais ils ne l’admirent ni dans l’assemblée, ni même dans la ville. Déjà en effet avait prévalu l’avis de Périclès, de ne recevoir ni héraut ni députation de la part des Lacédémoniens en campagne. Ils le renvoyèrent donc sans l’entendre et avec l’ordre de repasser la frontière le jour même; ajoutant que, si les Lacédémoniens voulaient parlementer, ils eussent préalablement à retourner chez eux. On donna une escorte à Mélésip-pos pour l’empêcher de communiquer avec personne. Arrivé à la frontière et sur le point de s’éloigner, il prononça, dit-on, ce ptfu dte paroles : « Ce jour sera pour les Grecs l’origine de grands malheurs. » Son retour à l’armée convainquit Archi-damos que les Athéniens ne feraient aucune concession ; en conséquence il donna l’ordre du départ et s’avança vers l’At-tique. Les Béotiens avaient fourni aux Péloponésiens leur contingent de guerre et leurs cavaliers. Le reste de leurs forces entra dans le pays de Platée et le ravagea.

Les Péloponésiens se rassemblaient encore à l’Isthme ou se mettaient en marche, lorsque Périclès fils de Xanthippos, un des dix généraux d’Athènes, prévoyant l’invasion, se douta qu'Archidamos, qui était son hôte, pourrait bien respecter ses domaines, soit de son chef pour lui être agréable, soit d’après l’ordre des Lacédémoniens pour le rendre suspect, comme lorsqu’ils avaient, à cause de lui, réclamé l’expulsion des sacrilèges. Il déclara donc aux Athéniens en pleine assemblée qu’Archidamos était son hôte, mais qu’il n’en devait résulter aucun détriment pour l’État; que, si les ennemis ne dévastaient pas ses terres et ses maisons comme celles des autres, il en faisait l’abandon au public, afin qu’à cet égard il n’y eût contre lui aucune prévention défavorable.

En même temps il renouvela, au sujet des affaires présentes, les conseils qu’il avait déjà donnés. Il leur recommanda de se préparer à la guerre ; de retirer tout ce qui était aux champs ; de ne pas sortir pour combattre, mais de se borner à la défense de la ville; de tourner tous leurs soins vers ce qui faisait leur force, c’est-à-dire vers la marine, et de tenir en bride leurs alliés, « qui, disait-il, sont la source de notre puissance par les subsides qu’ils nous fournissent; or, l’âme de la guerre, c’est l’intelligence et l’argent. » Il les exhorta d’ailleurs à avoir bonne espérance, puisque la ville percevait, année commune, six cents talents des tributs des alliés[*](Environ trois millions trois cent mille francs. La somme du tribut fixée par Aristide était de quatre cent soixante talents (I, xcvi). Le surplus provenait de l’adjonction de nouveaux alliés, des subsides consentis en remplacement des prestations militaires, enfin de l’aggravation de tribut imposée aux alliés révoltés et soumis. ), non compris les autres revenus, et qu’elle avait en réserve dans l’acropole

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six mille talents d’argent monnayé, — il y en avait eu neuf mille sept cents, mais on en avait distrait une partie pour les propylées de l’acropole[*](La construction des Propylées coûta seule deux mille douze talents; celle du Parthénon mille. Ajoutez-y l’Odéon, le temple de Gérés à Eleusis, et une foule d’autres édifices moins considérables. Le siège de Potidée coûta aux Athéniens deux mille talents. (Voyez liv. II, Oh. LXX.) ), pour les autres constructions et pour le siège de Potidéev — dans cette somme ne figuraient .pas l’or et l'argent non monnayés, provenant des offrandes publiques ou particulières, les vases sacrés employés aux pompes et aux jeux, les dépouilles des Mèdes[*](Entre autres, le trône à pieds d’argent massif qui avait appartenu à Xerxès, et le cimeterre de Mardonius. ) et autres objets analogues, formant ensemble une valeur au moins de cinq cents talents. Il ajouta que les temples avaient des richesses considérables, dont on pourrait disposer; qu’enfin, pour dernière ressource, on prendrait les ornements d’or de la déesse, dont la statue, à ce qu’il leur fit connaître, étajt couverte de quarante talents d’or fin qui pouvait se détacher : mais après s’en être servi pour le salut de la patrie, il faudrait le remplacer intégralement[*](Le talent pesant équivalait à trente-deux kilogrammes. La statue de Minerve, œuvre de Phidias et placée dans le Parthénon, avait trente-sept pieds de haut. Le buste} les bras et les pieds étaient d’ivoire; le vêtement et les armes étaient d’or. — Sur les emprunts temporaires faits aux temples par les États, voyez Γιν. I, ch.cxxi, note 1. ).

A ces motifs de confiance tirés de leurs richesses, Périclès joignit un tableau de leurs forces militaires. Il dit qu’ils avaient treize mille hoplites, indépendamment des seize mille placés dans les forts et le long des remparts. Tel était dans l’origine, à chaque invasion de l’ennemi, le nombre des hommes de garde; c’étaient les vieillards, les jeunes gens et les métèques astreints au service d’hoplites[*](Les jeunes Athéniens, avant d’être incorporés dans la milice régulière, devaient faire pendant deux ans, sous le nom de péripoles, un service de garnison dans les places fortes sur les frontières de l’At-tique. (IV, lxvii, note 1, et VIII, xcn, noté 1.)—Pour ce qui est des métèques et de leur service militaire, voyez liv. I, ch. cxljii, note 1. ). Le mur de Pha-lère avait trente-cinq stades jusqu’à l’enceinte de la ville, et la partie de cette enceinte que l’on gardait était de quarante-trois stades ; on laissait sans garde l’espace compris entre le long mur et celui de Phalère. Les longs murs allant au Pirée avaient quarante stades; celui du dehors était seul gardé[*](Le bras occidental des longs murs, appelé aussi le mur extérieur, et dans la direction duquel venaient les Péloponésiens. Le bras oriental, qui était couvert par l’Ilissus et par les pentes de l’Hymette, se trouvait d’ailleurs protégé par les fortifications du Phalère. ). L’enceinte totale du Pirée et de Munychie était de soixante stades; on n’en gardait que la moitié[*](La partie qui bordait la mer n’avait pas besoin de défense. ). Périclès ajouta qu’on avait douze cents cavaliers, y compris les archers à cheval[*](Les archers à cheval, Thraces ou Scythes, étaient une sorte de gendarmerie que les Athéniens entretenaient pour faire la police. Leur quartier était sur l’agora et s’appelait la tente des Scythes. ), seize cents archers à pied et trois cents trirèmes en état de tenir la mer. Telles étaient,, sans en rien rabattre, les forces des Athéniens à l’époque de la première invasion des Péloponésiens et au début de cette guerre. Enfin Périclès, selon sa coutume, termina cette revue par diverses considérations propres à démontrer qu'on sortirait victorieux de la lutte.

Les Athéniens se laissèrent persuader par ses discours. Ils retirèrent des campagnes leurs enfants, leurs femmes et tout leur mobilier; ils enlevèrent jusqu’à la charpente des maisons ; les troupeaux et les bêtes de somme furent transportés dans l’Eubée et dans les îles voisines. Ce déplacement leur

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parut pénible, accoutumés qu’ils étaient pour la plupart à la vie champêtre.